L' origine du salut - Saza uki

Bien que l’on ait l’impression que le salut au judo, tel qu’on le connait est ancien et « traditionnel », il est en réalité plus récent que l’on ne croit.
En effet, jusqu’en 1942 - et donc même à l’époque de Kanō - on se mettait à genoux en posant le genou droit puis gauche avant d’adopter la forme actuelle gauche/droite !
Donc le salut que nous pratiquons tous dans nos dōjō - en 2017- n’a en fait que 75 ans!

Pourquoi cette ordre? Pourquoi ce changement?
Zarei était à l’origine une position de repos et non de salut. Voilà ce que dit Kanō sur ce sujet: « Quant à la façon de saluer, les orteils des deux pieds sont en appui, les deux genoux et deux mains posés sur le tatami et on baisse la tête jusqu’a hauteur des épaules. »
De manière plus précise Yamashita Yoshigitsu (un élève de Kanō) dit: « Zarei est le salut le plus utilisé: on le fait avant de présenter le kata ou de faire randori. […] Se tenir en shizen hontai et, en pliant les genoux, abaisser le haut du corps et, aprés être descendu jusqu’a ce que les fesses reposent sur les talons, poser les deux genoux au sol. Cela fait, poser les mains sur la tatami une quinzaine de centimètres devant les genoux. La pointe des doigts, légèrement serrés, est quelque peu orientée vers l’intérieur. Puis sans bouger  le haut du corps, on l’abaisse en utilisant l’articulation des coudes et des épaules. Dans ce cas, non plus on ne concentre pas son regard sur le partenaire, on procède naturellement
C’est la forme utilisé dans le Koshiki-no-kata.
On note que les orteils restent en appui  et ce jusqu’en 1930 où la forme actuelle (orteils allongés) sera adoptée.

Sonkyo webD’ou vient alors cette forme de salut Zarei. Elle vient de la forme Sonkyo.(蹲踞). Pour faire le salut sonkyo, il faut descendre le buste droit, avancer les genoux et descendre accroupi, les fesses sur les talons, comme les lutteurs de sumo ou les kendoka.  On voit que sonkyo est la première étape de l’ancienne forme de zarei. Cette forme était utilisé dans tout les arts martiaux... sauf le judo. Son caractère postural  instable fait qu’elle ne convenait pas à la pratique notamment lors des passages debout-sol en cas d’attaques durant le salut.

Mais alors quels genoux poser en premier car aucune consigne n’est donné sur les extraits cités?
Au départ, au Kōdōkan, la réponse jusqu’en 1940 est : peu importe comme le dit Kano : « on se relévera soit par la jambe droite soit par la gauche. »

Cependant, si au Kōdōkan, cela n’a pas d’importance, une méthode pour s’agenouiller avait été mise en place en 1906 lors de l’élaboration du randori-no-kata avec la Butokukai.
Cette forme, appelé uza saki (右座左起), consiste à descendre le genou droit puis le gauche, d’allonger les orteils et de s’asseoir sur les talons (forme inverse à celle que l’on connaît aujourd’hui).
Est-ce un choix arbitraire? Non.
Cela vient de l’Ogasawara- ryū, une école martial (arc et cheval pricipalement) qui date du XIIIème siécle.
Voici le principe: «Avancer par le pied côté shimoza» (voir article sur le dōjō). Cela pour éviter à tori de montrer son dos à jōseki, ce qui était considéré comme impoli.
En effet, dans un dōjō, traditionellement, le plus gradé - lors de la pratique des kata ou du randori - se placait côté jōseki et le moins gradés côté shimozeki.( voir article sur le dōjō).  Donc le tori (souvent le plus gradés) se trouvait avec le kamiza à droite et de profil à jōseki. En avançant donc la jambe gauche, on ne tourne pas le dos à ce dernier (se situant côté kamiza).
Cependant dans notre cas, uke tournerai  le dos à jōseki et ce manque de politesse serait donc accepté?
Cette explication est peu satisfaisante.

Saza uki webYves Cadot émet une hypothése en expliquant que le guerrier porte son sabre à gauche. Pour dégainer de la manière la plus efficace,  le guerrier doit reculer le pied gauche (ou avancer le droit), or pour le jōseki se trouvant à sa droite dans cette position, la saisie du sabre est masquée.
Dans les arts martiaux, l’on montre son état d’esprit (respectueux, poli et apaisé) par la posture du corps.
De fait, dans les écoles de sabre, l’on procédaient à l’inverse, car reculer le pied droit (ou avancer le gauche), c’était montrer son sabre et compliquait sa sortie, qui, de facto, démontrait une attitude de paix.

Qu’en ait-il alors, si jōseki se trouve à gauche? Une attaque vers la gauche est trés difficile à effectuer avec le sabre à droite. De plus, la main qui dégaine étant visible, le danger n’est donc pas immédiat.
Pour le seiza, le même principe est appliqué, donc descente du genou droit en premier puis le gauche. Pour le même raison que debout une attaque avec le genou gauche levé serait indiscréte et lente.

Cette méthode sera reformé en 1911 pour utilisé la façon que l’on utilise actuellement - nommé Saza uki (左座右起) - s’asseoir par la jambe gauche, se relever par la droite - mais adopté trés tardivement par le Kōdōkan, le 1er Janvier 1943.

Pourquoi avoir changé alors? Pourquoi saza uki et non uza saki?
Paradoxalement, les raisons sont trés éloignées du judo. C’est à la demande du ministère de l’Education  aprés la guerre russo-japonaise (1904-1905) qui, voulant réformer les directives d’enseignements des manières pour les écoles primaire, colléges (sans distinction de sexe) et lycées pour filles, fixa la forme saza uki comme norme. Pour l’expliquer,  il faut se référait à l’Osagawara-ryū. Autrefois, les hommes se levaient par la jambe gauche et les femmes par la jambe droite. Le ministère de l’Education se sont donc basait sur les manières des femmes de l’ancienne aristocratie guerrière pour réglementer la fàçon de passer en seiza.   
Et c’est en 1941, que le ministère proposa de l’étendre à toute la population. Il faut attendre le décret de 1942 du ministère de l’Intèrieur pour qu’il devienne le référentiel obligatoire.

Saza uki uza saki web

MALGORN Stéphane C.N 4ème Dan

Bibliographie

CADOT, Yves, Dôjô et civilités (2) - Tachii furumai -, L’Esprit du Judo, Avril-Mai 2016, n°61,  pp. 66-67.
CADOT, Yves, Dôjô et civilités (3) - Reihô, l’étiquette du salut -, L’Esprit du Judo, Juin- Juillet  2016, n°62,  pp. 66-67.

Date de dernière mise à jour : 18/09/2019